Acte 7 – Impatiente

On entend une voix qui provient du public, il s’agit d’Humain…

Humain, en se dirigeant vers la foule animale : Mes sœurs, mes frères, mes amis : le marasme approche! …. L’entendez-vous? Grondant au loin? Partout on voit la vigueur du monde s’amenuir; cette force qu’est le vivant, ce tissu musculaire est en phase d’atrophie : l’humanité altère la vitalité du monde à mesure qu’elle se désintègre de la naturalité, emportant avec elle tout ceux qui, bien malgré eux, sont disposés à la suivre. Elle divise l’unité au sein du vivant; et c’est cette dissension entre l’ordre naturel et l’ordre humain de la vie qui, en brisant l’harmonie au sein de la vie, altère la vitalité du monde. Le bras-de-fer entre naturalité et humanité se joue aux dépens de la vie, ainsi le monde se vide de sa vitalité.

Humain jette un regard désolé aux animaux rassemblés.

Humain : Comme l’a dit Morizot, un auteur d’avant la Grande Transition, le tissu du vivant dont nous sommes des fils se déchirent tout autour de nous, fragilisant nos futurs possibles. Nous le savons, et pourtant le sentiment d’impuissance domine. Pourquoi ? C’est qu’on défend mal ce qu’on comprend mal. Et si nous nous étions trompés sur la nature de la “nature” ? On imagine volontiers le monde vivant aujourd’hui comme une cathédrale en feu. Mais le tissu du vivant, cette aventure de l’évolution qui trame ensemble toutes les espèces de la biosphère, n’est pas un patrimoine figé et fragile… Il est une force dynamique de régénération et de création continue. Le vivant, ce n’est pas une cathédrale en flammes, c’est un feu qui s’éteint. Ce n’est pas nous qui l’avons fait, c’est lui qui nous a faits. Le défendre, ce n’est pas le rebâtir comme une cathédrale en ruine, c’est l’aviver. Il peut toujours repartir si nous lui restituons les conditions pour qu’il exprime sa résilience et sa prodigalité natives!

Humain s’arrête au-devant de la scène et semble chercher quelque chose du regard.

Humain : Amis animaux… mais où sont Orme, Pommier, Merisier, et Aulne? Où sont mes amis les arbres?

Un silence gêné s’installe, personne n’osant dire à Humain ce qui s’est produit.

Humain : Et… Et Impatiente du cap? Ma tendre amie? Où te caches-tu?

Impatiente du cap, depuis les coulisses : Ici!

Impatiente du cap sort en courant des coulisses et vient se positionner face à Humain. Elle porte dans ses mains une pousse du Vaterbaum, qu’elle lui tend.

Impatiente du cap : Mes frères arboricoles sont depuis longtemps partis, alors que tu avais le dos tourné, la tête préoccupée par tes inventions. Ton génie peut certes être béni, mais il t’a détourné de nous. La forêt se meurt: Orme, Pommier, Merisier et Aulne ont disparus, et ils nous ont laissées, mes sœurs et moi, seules dépositaires de leurs petits. Humain… cher ami, s’il-te-plaît… mets fin au massacre : laisse les enfants verts de nouveaux s’épanouir. Laisse-nous, mes sœurs plantes et moi, de nouveau verdir la terre; laisse nos frères arborescents porter le juteux fruit de la vie, sans lequel il t’es bien dur de vivre…

Impatiente du cap : Ami humain… Prend ce petit et sauve le. Plante-le et protège-le, jusqu’à ce qu’il puisse à son tour te protéger.

Humain prend délicatement la pousse, lui jetant un regard.

Humain : Impatiente du cap… douce amie… toi qui égaie mon existence depuis le début des temps… Tu as raison. À l’évidence, Je ne suis pas assez mûr pour Me défaire de la naturalité, bien que j’aie visiblement les capacités de le faire… Ce n’est pas parce que l’apprenti peut se rebeller contre son maitre qu’il est dans son intérêt de le faire! Je pense que J’en ai encore à apprendre de Mon mentor, et Je dois continuer à imiter ses gestes jusqu’à ce que l’apprentissage soit complété. Prenons la vie comme modèle morale. Je peux très certainement être heureux en M’adaptant au monde plutôt qu’en l’adaptant à Moi. L’espérances dénaturée de Mon espèce est irraisonnable; c’est une illusion née d’une passion malsaine, un caprice étranger à la sagesse; adoptons une éthique biomimétique!

Chœur Utopique : Nous avons adoptés une éthique biomimétique!

Impatiente du cap se tourne vers la foule. Elle lui sourit, puis tend la main à Humain pour le guider vers la frontière et l’aider à monter sur scène. Il traverse la Frontière qui le séparait du bestial et vient à la rencontre des animaux. Impatiente du cap se tient à ses côtés et l’on peut comprendre à sa posture et son intimité avec Humain qu’elle est désormais le symbole de la réussite du biomimétisme.

Impatiente du cap :  Mes amis, qui sauva l’humanité d’un si grand péril?

Chœur Utopique : C’est la faune et la flore qui sauva l’humanité d’un si grand péril!

2 Comments

  1. Excellente finale avec la flore! C’est en plein ce qu’il fallait de plus à la pièce!
    J’ai changer le premier paragraphe; à ce que j’ai compris ce n’était pas très compréhensible. Le lien entre le paragraphe devrait maintenant être plus explicite, je l’espère.

    1. Oui c’est vraiment intéressant ce retournement. Il nous faudrait faire apparaître l’abeille!

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