Le Journal Chrysanthème

Lucioles et Oliviers

Il y a une cinquantaine d’années, un terrain vague servait de décharge à tous les citoyens de la ville. Chacun mettait son grain de sel dans la grande marmite bouillonnante de déchets, détritus et autres qui s’accumulaient sur la petite parcelle de terre. Les jeunes venaient y boire et casser des bouteilles, les petits bouts de verres s’accumulaient pour former des milliers de minuscules miroirs qui réfléchissaient la bêtise humaine continuelle dans le parc. Les travailleurs qui rentraient de leurs longues journées interminables passaient un à un, jetant leurs emballages sur le terrain en se disant : « Ce n’est pas grave, c’est juste un seul papier, ça changera rien », sans penser que tous les autres avant, et après lui, se disaient la même chose. Un jour, une petite pousse se mit à grandir entre les emballages de sandwiches et les tessons de bouteilles, quelques enfants l’avaient aperçu alors qu’ils jouaient dans les débris, ils se dirent qu’ils allaient la protéger, l’arroser, et quand elle serait assez grande, ils construiraient une cabane dans l’arbre qui remplacerait la jeune pousse. Dans ce groupe, il y avait une petite fille. Elle revint le soir, empiler des tôles afin de protéger le petit espoir de verdure. Le lendemain, la petite pousse baignait dans un soleil rayonnant. Une ombre grandissante s’approcha, un homme jeta des morceaux de ferrailles et repartis vers son fast-food préféré. L’arbre ne vit jamais le jour, et le rêve des enfants aussi.

Des années plus tard, le terrain était si grugé par les déchets que plus personne n’osait s’y aventurer. Les débris fondaient au soleil, telle une marée odorante. Un humain arriva sur le bord de cette mer, en conquérant. Il avait un plan et celui-ci allait se mener à terme : instaurer un centre de recyclage complet et autosuffisant.

Je m’avance entre les branches d’olivier, la reine des nuits, haute dans le ciel éclaire les branches qui réfléchissent une lumière bleutée. Seuls les craquements des feuilles sous mes pas et les hululements du vent brisent le silence qui s’est installé depuis que je me suis éloignée de la ville. Je continue mon chemin, une lanterne qui fonctionne à l’aide de lucioles pour m’éclairer, et les idées pour me pousser jusqu’à ma destination.

3 Comments

  1. Chère Chrysanthème,
    De 2021 d’où je vous écris, au Québec l’école y est publique et gratuite de la maternelle au doctorat et tout le monde y est libre d’étudier ce qu’il veut. Mais cela n’est vrai qu’en théorie, l’école gratuite pour tous est souvent onéreuse et tous n’ont pas les mêmes chances et liberté. À Vaterbaum comment avez-vous réussi à éviter la privatisation du domaine publique? Ici, même le régime de santé publique et gratuit décline toujours davantage vers le privé.

  2. Je suis curieux de voir quel sera ta destination par-delà le champs d’ordures, tapis derrière le voile d’olivier… Vaterbaum peut-être?

  3. Wow quel beau texte que Lucioles et Oliviers!
    À un moment donné je me suis demandé si cette petite pousse n’allait pas devenir l’arbre de Vaterbaum…

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