Merci l’Arbre pour tes aiguilles et ton écorce, tes racines et fruits. Merci pour tes feuilles et ta résine, ton ombre, tes branches. C’est seulement sous le toit de ta couronne que je me sens intouchable. Intouchable, pourtant devant ta magnificence, aussi frêle. Je ne suis qu’un petit pin qui, quand le vent arrive, fait confiance à ta force et sagesse. Même un chétif coup de vent me fait balancer. Alors quand les masses d’air se déplacent, je m’agenouille sur une racine. Et je m’accote sur ton socle. Merci. Lors de ta présence, je me sens comme ce misérable Zachée regardé par le prophète. Impuissant, mais rempli d’humilité.
Sous le figuier sycomore j’ai connu ta manifeste opulence dans les branches arquées. Tes troncs m’entourent comme des abakans. Tes troncs m’observent tout comme le peuple de Brobdingnag observait Gulliver. Ô l’Arbre! Je ne cesse de voir les compositions de ce peintre néerlandais dans le fouillis de tes branchettes et rameaux.
En marchant sous le figuier sycomore je réalise que l’auteur avait raison en chantant que tant que les pieds ont la terre, les yeux ont les cieux et le nez n’est pas privé de l’air, je ne peux être solitaire. D’où la légitimité de Klein qui considère le bleu la couleur primordiale de la nature, le bleu est la première oeuvre du monde. Le bleu abstrait de la mer et du ciel. L’abîme inviolable, tellement simple, pourtant, aussi insondable. Le bleu absolu. La terre, les cieux et l’air – mon bleu – tout le reste est superflus. Par contre rappelle-toi, sous les larmes ovales d’un saule pleureur, rien n’est important.
Cher Arbre je te laisse cette lettre dans ton creux, une naturelle boit aux lettres, ainsi qu’un cadeau, une agrafe. Je suis sûr que tu t’en servira
Merci,
Tabllionem, qu’un petit pin
Cher Tabllionem, petit pin tendre. Comme toi j’adore les arbres, ils me réconfortent, ils m’apportent l’ombre en été, ils sont musique quand le vent s’en empare, ils sont fiers et traversent tant de tempêtes en restant dignes et beaux. J’adore les serrer dans mes bras comme un amoureux.
En passant, j’aime beaucoup ce facteur. En 2020 on commençait à parler du « slow tech », contente de voir que les lettres perdurent.