Le Journal Chrysanthème

Muguet

La chenille descend le long de la feuille, ses minuscules crochets lui permettent de descendre la verdure facilement. Tête en bas, sa perception du monde est complètement changée. Je tente de l’imiter et je me mets tête en bas sur ma chaise.

Le sang afflue vers mon cerveau, mais certainement pas les idées. Depuis que je suis revenu de l’Antarctique, l’ampoule est restée éteinte. Après mon doctorat, je me suis rendu sur cette magnifique terre de glace afin d’étudier sa destruction et sa reconstruction. Durant la Grande Transition, plusieurs idées ont changé, notamment auprès de l’éducation. Les milliers d’idées grouillantes se sont assemblées, multipliées et mélangées. Tous les humains, unis, essayaient d’offrir une solution durable pour les étudiants et les têtes bouillonnantes d’envie pour le savoir et les connaissances. Tous les citoyens, soudés, décidèrent d’enlever la privatisation des écoles et de mettre en place l’instauration de l’école gratuite pour tous, de la maternelle jusqu’au doctorat. Il n’y a plus d’inégalité dans l’éducation. Tous les humains sont libres d’étudier ce qu’ils veulent, de l’infini au microscopique, de l’humain à l’ingénierie, de l’imaginaire au concret, les possibilités sont innombrables.

Je me remets à l’endroit, le sang bat dans mes tempes et mes pieds sont engourdis. La chenille m’observe, je l’observe à mon tour. Je dois finir de concevoir ce plan pour les architectes de la ville, tout doit être parfait. Chaque dimension est calculée, maîtrisée, précise. Lorsque les villes ont étés rebâties après la Grande Transition, chaque millimètre d’espace a été déterminé, des maisons aux édifices, même la largeur des rues est précise afin de maximiser l’espace urbain et d’éviter l’étalement. Cet arrangement a permis à la nature de se reconstruire, de grouiller et de serpenter peu à peu afin de reprendre ses droits. Je dessine un début de plan, mais c’est trop flou, trop espacé. Les idées se noient dans la mer de mon esprit, j’ai envie de briser l’ampoule. Je soupire et m’affale sur ma chaise, mon regard se perd vers ma fenêtre grande ouverte d’où une petite brise printanière semble vouloir se faufiler.

Je caresse d’un doigt les doux pétales du muguet.

L’Antarctique me manque.

3 Comments

  1. Chère Chrysanthème,
    De 2021 d’où je vous écris, au Québec l’école y est publique et gratuite de la maternelle au doctorat et tout le monde y est libre d’étudier ce qu’il veut. Mais cela n’est vrai qu’en théorie, l’école gratuite pour tous est souvent onéreuse et tous n’ont pas les mêmes chances et liberté. À Vaterbaum comment avez-vous réussi à éviter la privatisation du domaine publique? Ici, même le régime de santé publique et gratuit décline toujours davantage vers le privé.

  2. Je suis curieux de voir quel sera ta destination par-delà le champs d’ordures, tapis derrière le voile d’olivier… Vaterbaum peut-être?

  3. Wow quel beau texte que Lucioles et Oliviers!
    À un moment donné je me suis demandé si cette petite pousse n’allait pas devenir l’arbre de Vaterbaum…

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