Un jour, un professeur m’a dit la chose suivante : « Tu sais, j’ai étudié toute ma vie, je sais beaucoup de choses, mais je ne sais rien. »
Notre monde est complexe et à chaque jour, il l’est encore plus. L’espèce humaine en a fait un véritable casse-tête dans lequel il est impossible de connaître tous ses fondements. Un seul être humain connait des choses, certes, apprend à tous les jours, vit des émotions, mais aucun d’entre nous ne connaîtra l’entièreté des systèmes inventés par notre être pour, à ce que l’on peut en observer, se simplifier la vie.
L’exercice que nous tentons d’accomplir est tout aussi complexe. Écrire une utopie en groupe, soit en compagnie de différents individus n’ayant nécessairement pas les mêmes valeurs les uns des autres, est tout un défi. On se croirait honnêtement dans un congrès de parti politique. À vrai dire, c’est un peu l’exercice que nous nous devons de faire, écrire un programme politique à partir de chacune de nos vertus. Aussi, si nous faisons cet exercice, c’est que nous assumons que ce n’est pas tout le monde qui soit heureux. Il faut donc nécessairement en comprendre les causes. Est-ce l’humain qui est fait comme ça, pour qu’il y ait des gens heureux et que d’autres ne le soient pas ? J’ose espérer que non, puisque sinon, notre exercice n’est qu’une fantaisie certainement agréable mais peu productive. Il faut donc comprendre qu’est-ce qui le rend ainsi.
Si l’on assume que l’humain peut atteindre un bonheur, il faut donc en conclure que c’est ce qui se trouve autour de celui-ci qui le rendrait malheureux, ou qui rendrait certains d’entre nous malheureux. Peut-on assumer que ce sont les institutions que l’humain simple ne contrôlent pas qui le rendent ainsi ? Et si nous assumons que c’est le cas, comment les rendre favorables à l’atteinte de ce bonheur individuel et collectif ?
Comme j’écrivais plus haut, nos ancêtres, aussi loin que l’on puisse les imaginer ont créé des institutions qui ont voyagé à travers le temps, et qui ont, tout comme l’humain, évolué. Les questions que nous devons nous poser se trouvent dans notre observation du monde et dans les émotions que certaines institutions nous font ressentir. D’imaginer toutes ces caractéristiques dans un autre monde, dans un retour à l’État de nature, ou tout simplement en changeant les caractéristiques objectives de l’humain serait de baisser les bras à ce que notre monde puisse plaire à tous. Il est clair que ces trois propositions seraient beaucoup plus simples, mais vous ne trouvez pas qu’il est triste que nous voyions notre monde de telle façon ?
L’humain aussi a évolué et ces institutions qui nous semblent si compliquées ont en partie bâti l’être que nous sommes. Je ne pense donc pas que notre but est d’imaginer d’autres caractéristiques à notre espèce mais plutôt d’essayer de le comprendre tel qu’il est aujourd’hui et de donner à chacun d’entre nous, une joie de vivre, ou le bonheur. Pour suivre la même logique, il serait extraordinaire d’imaginer le monde actuel dans lequel chacun d’entre nous serait heureux. Il faudrait donc certainement creuser dans notre tête pour évaluer chacun des problèmes que l’on observe à tous les jours et adapter nos institutions à la situation actuelle.
Certes, l’objectif visé est extrêmement complexe et Aristote nous dirait probablement que cet exercice est impossible. Cependant, si l’on se base sur la prémisse de Rousseau qui dit que chaque humain est de bonne volonté, pouvons-nous le faire ? C’est simple, réfléchissez tout simplement à ce qui vous rendrait heureux dans notre monde actuel et qui ferait de même pour le monde autour de vous ? Peut-être que cela nous pousserait à imaginer notre monde organisé d’une autre façon et que l’on pourrait créer quelque chose d’extraordinaire, voire révolutionnaire. Si nous allons dans l’optique que toute l’histoire des Sapiens était rationnelle, ce qui nous faciliterait grandement la tâche, il faudrait trouver le fil conducteur des décisions humaines pour connaître, au fond, la réalité profonde de l’humain. Ce fil conducteur pourrait bien évidemment nous aider à poursuivre cette histoire et la prévoir.