J’allume ma cigarette.
La cérémonie léthifère s’apprête à commencer.
J’ai fait cas de défection et d’abstentionnisme lors de la prise de décision à l’Assemblée délibérative, navrement. Mes tentatives d’appels à la raison n’ont pu faire échos entre les arcades sourcilières des concitoyens. Quelques-uns d’entre eux se sont prononcés comme des détenteurs de vérité, croyant faire le bien et le juste, et les moutons, se croyant noirs, ont suivi les prosélytes et leurs philosophies adossées sur de quelconques risibles aspirations spirituelles. D’autres adeptes de paix et trop fidèles aux formalités et aux modalités n’ont pu voir au-delà, de comprendre avec le coeur et la raison, comme si leurs uniques visions du monde, qui devaient tous nous unifier irréversiblement dans un monde meilleur, avait justement eu raison d’eux. Semble-t-il que la majorité se doit d’avoir raison, même quand le cœur bâillonne la raison-même.
Je les vois tous sous mes yeux.
D’un côté, des obnubilés de la pilule, à la pensée si simple, pédalant dans le vide, le même où se trouve leurs âmes dénués et persuadés d’avoir atteint ultimement le bonheur pur et absolu. Je les vois fondre sur place, dont leurs onces d’esprit obstinées à rester en eux s’évadent dans n’importe quel divertissement, aussi stérile et enfantin qu’il puisse être.
De l’autre, des outrecuidants mondains paonnent, échappant leurs mots barbaresques, nébuleux, aussi pompeux que leurs têtes en forme de montgolfière, avec lesquels ils animent leurs cailletages, leurs galimatias dans leurs verres à cocktails. La vacuité de leurs êtres se manifeste dans leurs afféteries spécieuses, et elle me rappelle également les débats imbéciles qu’ils ont, d’ailleurs, eux-mêmes orchestrés, la semaine dernière, essayant de prouver qui avant le scrotum le plus pesant, se retournant toutefois avec la queue entre les jambes.
J’y vois aussi des petits innocents. J’en connais quelques uns, que j’aime bien. Ils sont gentils et plus qu’inoffensifs, mais j’exècre l’innocence, l’insouciance, l’ignorance dans leurs regards, qui gambadent nus dans des champs de pissenlits chantant à tue tête. Je les entends ricaner sur des futilités, mais je me dis que c’est propre à tous de le faire.
Un peu plus loin, il y a les jeunes idéologues dont la conscience se limite à leurs minces savoirs ingérés en classe, et n’ayant que l’adhésion à des mouvements populaires et l’approbation sociale pour se sentir exister, qui trépignent et piaffent d’impatience à l’idée de pouvoir se proclamer élus, dès que le passé commencera à se consumer à petit feu.
Malgré qu’ils aient tort, tort de penser ce qu’ils peuvent parfois penser et d’avoir pris cette décision digne d’hécatombe, ils sont heureux. C’en est utopique.
Ils ont peut-être raison de l’être, qui sait ?
La fumée commence à se faire voir, surplombant les plus hauts arbres et se faisant emporter par l’oubli du vent.
Ah fuck, ma cigarette m’a brûlé.
Tinaoui