TRANSITERRE

Une journée

Le soleil se lève et moi aussi. J’imagine qu’à une autre époque, les gens auraient grommelé en pensant à la journée à venir et au travail qu’ils les attendaient. Mais pas moi. Pas nous. À Arbitrium, tout le monde à la chance de contribuer à la société de la manière qu’ils préfèrent.

À 16 ans tout le monde fait une sorte de service communautaire et passe 2 ans à travailler dans une ferme. Après ça, les jeunes ont le choix de se rediriger vers le métier qu’ils préfèrent. On appelle ça la « Contribution ». Certains restent dans le milieu agricole et d’autres sautent de joie d’en avoir fini et partent se faire l’expérience nécessaire pour pratiquer le métier de leurs rêves. Mais ce n’est pas le cas de tous. La grande majorité n’ont pas la moindre idée de ce qu’ils veulent faire et passent quelques années à trainer, à expérimenter, à fêter et à découvrir. Mais au bout d’un certains temps, tout le monde finit par trouver. Moi, ç’a été la pêche. J’en avait aucune idée jusqu’à mes 20 ans, mais un beau jour j’ai décidé de partir faire un tour en mer avec un ami. Ce fut une révélation. Y a pas une journée, depuis ce moment là, que je n’ai pas passé sur l’eau. Ça va faire bientôt 29 ans que je pratique et je ne m’en suis jamais lassé.

Donc le soleil se lève, je me prépare et quitte ma maison. Elle est un peu éloignée du port, c’est donc en vélo que je m’y rend. Une fois arrivé, j’installe toutes mes affaires et attends mes deux apprentis, Jean et Ravel. Jean est âgé de 36 ans et cherchent à se reconvertir. Il était anciennement chirurgien cardiaque, mais a fini par se lasser de son métier. Ravel quand à lui est un jeune de 18 ans venant tout juste de terminer sa Contribution et est avide de nouvelles expériences. Cela va faire 2 mois que ces deux là m’accompagnent chaque jours pour en apprendre plus sur le métier de pêcheur. Nous sommes donc partit un fois de plus aujourd’hui. Depuis le large, on peut voir toute la côte d’Arbitrium. Cette petite région de 6 733 km² est composée de plusieurs villages ainsi que de quelques grandes villes. Le port que nous venions de quitter est celui de la capitale : Optionem. C’est la plus grande ville d’Arbitrium et mesure environ 85 km². La mer était calme et la pêche fut bonne.

Vers 4 heure en après-midi, nous sommes rentré au port afin de donner les fruits de notre labeur. Personne n’achète, ne vend ou ne troque ici. Tout le monde aide son prochain en lui offrant ses services ou en lui donnant ce dont il ou elle a besoin, dans la mesure du possible. Personne n’abuse de personne et chacun donne et reçoit de manière équitable.

Après quelques heures, presque tous nos poissons avaient été pris. Nous sommes donc partis avec le reste et chacun est rentré chez soi. De retour dans mon salon, une vague de doute s’installa en moi. Cette journée, j’ai déjà l’impression de l’avoir vécue. Pas à la manière du Jour de la marmotte mais comme si ces dernières années, mes jours se déroulaient tous de la même façon. Cela me rend triste. Pourtant je pratique ma passion, j’ai une vie sociale correcte, je mange à ma faim et je suis en bonne santé. Alors pourquoi ? Jusqu’ici, j’ai apprécié ma routine, je m’y sentais bien. Mais au final, qu’ai-je accompli ? Certes, j’ai permis à de nombreuses personnes de manger des poissons frais et variés et cela, d’une certaine manière, est valorisant. Et pourtant, j’ai ce sentiment de non-accomplissement.


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2 Comments

  1. Une vie accomplie, selon moi, c’est de ne pas avoir de regrets dans chacun des aspects de notre vie et d’avoir fait ce qui nous plaît au moment où ça nous plaît. Ne pas avoir de remords.

    Pour ce qui est de donner plus de discernement aux jeunes quant à la façon dont ils aimeraient contribuer au monde, c’est relatif à chacun. Au moin, de donner 2 ans en agriculture permet de comprendre l’un des aspects les plus essentiels à la survie d’une société peut sûrement les orienter sur la question. De plus, ces deux ans vont sûrement leur donner l’impression d’agir concrètement et d’avoir une vrai utilité et ce sentiment va probablement leur donner envie de continuer dans leur contribution au monde et n’importe quel métier reliée à ça leur conviendra.

  2. Que serait pour toi une vie accomplie ? Est-ce que le service communautaire de 2 ans peut aider les jeunes à avoir plus de discernement quant à la façon dont ils aimeraient contribuer au monde ?

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