Il fût un temps où, quand j’étais jeune peut-être, j’avais l’arrogance de penser savoir des choses. Avec le temps, et probablement aussi beaucoup de lecture, j’ai compris que cette arrogance agissait sur moi comme des œillères. Les mêmes que nos ancêtres s’étaient mises. Pourtant, nos ancêtres ne savaient rien. Ils acceptaient tous, quasi-unilatéralement, que tout ce qui apparaissait comme seule vérité, était nécessairement la vérité. Peut-être avaient-ils trop confiance en la science, par exemple, qu’ils repensaient constamment, sans jamais repenser le lien social…
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Un jour, ma mère m’avait raconté que son arrière-grand-mère avait contracté une maladie appelée le cancer. Aujourd’hui, nous savons que contracter une maladie, n’est jamais un hasard, et surtout, que ce n’est que très rarement uniquement biologique. Contracter un cancer veut dire qu’un mal était présent depuis déjà bien des années, et que le cancer ne constitue en soi que le dernier maillon d’une longue chaîne, la pointe d’un iceberg.
Dans mes lectures d’anciens textes, dans les vieilles formules magiques de l’âge qu’on appelait communément le « Moyen-Âge », le diable était souvent conjuré parce que son nom était prononcé. Pourtant, au temps de mon arrière-arrière-grand-mère, personne ne s’hasardait jamais à appeler les choses parce qu’elles étaient vraiment: névrose, dépression, cancer, mort. C’était contre les règles de la bienséance.
Mais parce qu’on n’ose pas appeler le diable par son nom, n’est-il pas plus vrai qu’on ne peut pas non plus le chasser, ni même le considérer dans toute son ampleur ? Bien sûr les médecins « savaient » un tas de choses sur le cancer, mais ce que cette maladie était en réalité, ça ils ne le savaient pas.
Placebo
Conséquemment, afin d’éviter les oeillères de la biologie, je pense que le corps et l’esprit ne nécessitent pas de dissociation. Les deux sont beaucoup trop liés. D’ailleurs, en apprenant la possibilité d’une mort prochaine, n’y a-t-il pas deux catégories de réactions ? Il y a ceux qui veulent, et il y a ceux qui ne veulent pas. Peut-être que l’âme de ces-derniers est trop fatiguée et ils ne tiennent donc pas à parcourir le chemin nécessaire vers la guérison. Néanmoins, ces derniers meurent tous sans exception. N’est-ce pas là la preuve d’une dialectique et de l’incohérence d’une dissociation entre le corps et l’esprit ?
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La fin d’une dissociation entre le corps et l’esprit ne serait-elle pas profitable à tous, dans la perspective d’une conception plus holistique de l’être humain et dans le but d’un meilleur rapport aux institutions?
S.