J’espère mourir autrement qu’à tous ceux que je vois, c’est-à-dire, tout en pensant vivre.
Dans un monde devenu impersonnel qui se dirige vers l’anéantissement par l’indifférence, où la surpopulation, la sur-organisation, la propagande, l’eugénisme, l’utilisation obsessive de psychotropes sont prônés et fonde un univers plus liberticide que jamais, je suis. Le peuple s’endort sur leur belle conscience. Il se conforte dans sa complaisance et s’assujettit délibérément sous une doctrine oligarchique qui mise sur un bonheur factice stérilisant les souffrances et édulcorant la réalité. Celle-ci n’est pas l’emprise d’un « Big Brother » omniscient, mais, pire encore, l’émanation de la volonté du peuple. Le navire est en perdition.
J’ai découvert un jour un trésor, un Saint Graal que même l’inexorable temps n’a pu consumer sa valeur. Je me suis écarté du rang, jusqu’à m’hasarder au-delà des plaines, des rivières et des montagnes. Pourquoi? Mektoub. Ce trésor se logeait enfoui sous les vestiges, sous les ruines d’un sillage méconnaissable, sous une ancienne cité où seul la flore et l’oubli régnaient. Six pieds sous terre, disparaissant dans l’ombre des catacombes, je fini par tomber dessus. Je n’avais jamais vu une telle chose. À défaut d’en mourir si j’osai en faire part à d’autres, de partager l’existence même de ce trésor, je le garderais pour moi. Après quelques aller-retours, je fini par me terrer sous terre aux seins de cette richesse, puisque même une vie ne me permettrait pas de sucer ce trésor jusqu’à sa moëlle. J’ai tant appris et il me reste encore beaucoup, trop. Grâce à ce que j’ai pu en tirer profit, des images, des sens, des instants de transcendance demeurent ancrés en mémoire tel que : « Si l’univers peut écraser l’homme, l’homme est plus noble que ce qui le tue, car il sait qu’il meurt et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien », « Il faut imaginer Sysiphe heureux. », « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. » ou encore « L’Homme est un animal métaphysique. » Sans compter les représentations du monde d’antan auxquelles, étrangement, je m’associe. C’est de ce trésor, de cet univers berçant et de ce que j’ai pu dévorer de ce qui le constitue, que j’ai pu m’élever et connaître. Je suis entré dans un tombeau afin d’y trouver une vie et d’en enterrer une autre.
Le monde se dit utopique à la bouche de tous, mais pas à celle de chacun. Je n’ai pas de nom ni d’âge. Les quelques fragments de souvenirs d’hier s’empoussièrent aux rythmes des saisons. Je me berce dans une unité, je suis seul mais si grand, car je suis fils de la Nature et père de celle-ci. Je suis frère de cet être et égal de cet autre. Impassible et impavide mais sensible et avide de vie. L’artifice est aussi insoutenable que l’air, car la forme n’est qu’esquisse et peinture que mon œil dessine. Je vois par le cœur ce qui me permet de connaître par cœur. Je pardonne à l’indifférent, à l’ignorant et à l’impuissant, car il est aussi moi que je suis lui. Je ne désire rien car je suis tout. Je suis sagesse.
Être ou ne pas être n’est pas toute la question, car elle omet ce que l’on est. Je ne fais pas parti d’une utopie, j’en suis la seule.
Si vous lisez ce message, il se pourrait que je sois parti trouver l’utopie de la mort.
Tinaoui