Il s’agit d’une bien jolie fleur que j’aperçoive sur la plaine. Pourpre tel le plus doux des baisés. Serait-ce un crime que de la cueillir? N’ai-je appris auprès de l’arbre des souvenirs qu’offrir la beauté dans ces vieux jours, qui sont encore bien dépassés, s’agissait d’un acte de romance, de prouver son affection que d’offrir une jolie fleur? Pourtant, si j’ose lui priver de sa vie, ne serait-ce pas aussi dérangeant que d’assassiner l’une de mes sœurs? Je priverais ainsi de sa beauté au prochain passant qui, lutant contre sa lacune d’avoir ses justes mots, viendrait cueillir du regard un peu d’imagination? Débat. Pris en ce dilemme, je retourne à la Citadelle, peut-être que là je trouverais la juste chose à faire, selon ma conscience et c’elle de mon époque.
Alors que je quittais ces plaines, laissant à la nature une fraîche promesse de revenir demain, j’aperçois au loin une jeune demoiselle qui s’exerçait à peindre la scène auquel elle assistait. L’herbe soufflée comme si le vent s’amusait à caresser le sol. Le ciel, azur, il y a quelques nuages blancs de porcelaine qui découpe un peu cette mer astrale. Un pommier là-bas; et elle semble si humaine. Ça me donne la folle envie d’user ma plume, pour tout simplement défouler mon bonheur. Le soleil est chaud, il couvre ma peau d’une lumière qui me rappel que les plus beaux jours de ma vie sont à venir. Des cheveux sombres tel l’encre de ma passion; des yeux bruns comme la terre fertile qui nous nourris en cette journée paisible : elle ne détourne son regard de ce paysage. Que puis-je faire? J’admire sa beauté, tout simplement. Sa simplicité dans ses traits, jusqu’à sa présence qui n’est qu’un en ce décors. À notre époque, il se doit d’être en harmonie avec le monde environnent. Suite à ce qu’il s’est passé dans notre lointain passé, l’humanité s’est entendue pour revisiter son mode de vie. Bien-sûr, qu’il en a eu qui ne furent que contre l’idée, mais leur société leur en était un pharmakon.
Devrais-je lui offrir de ma compagnie à cette ravissante inconnue? Devrais-je être intéressé par sa peinture qu’elle réinvente en de lents traits? Je piétinai alors quelques mètres d’herbes, pour lui offrir quelques mots, et peut-être du temps, si elle me le permet.
En une mimique brusque, son bras cesse son trajet sur la toile, puis pose son pinceau pour atteindre sa tisane. Je me sens un peu poltron, son sourire me semble un éclat, et je sens un sorte de bonheur me séduire. Comment pourrais-je l’aborder? Je cherche à être hypocoristique dans mes mots, et j’observe silencieusement sa peinture. Elle est magnifique. La peinture. J’essai, pas sans bégayer, de lui faire part que son style, très réaliste, est un chef d’oeuvre, du moins à mes yeux. Surprise de ma présence, elle sursaute. Lorsqu’elle puis se ressaisir, elle laisse un grand sourire couvrir son visage. Elle me quémande, telle une offrande à sa personne, mon nom. «Thelonious», ma mère était fortement amoureuse de la musique d’un certain pianiste jazz. «Moi c’est Ophélie! Je suis heureuse de te rencontrer!», me dit-elle.
J’ignore si c’est que je me rappelais ainsi de toute la passion entre mes parents, mais dès lors, je me mis soudainement à sourire. Comme si demain était tout simplement fait d’aujourd’hui. Suis-je fou? Ce sentiment soudain, qui m’envahis. Qu’est-ce? Dans l’ancien monde, comment ils appelaient ça? Le coup de foudre? Il s’agit d’un sentiment formidable. Pourtant, qui est-ce, cette Ophélie? Je lui accroche un regard tendre, et de ma voix tremblante je lui demande tout simplement sa couleur préférée. Un regard intrigué, elle observe jusqu’au fond de mes yeux tout simplement brun. Dans un léger rire, elle m’avoue aimer le rose. Comme ces fleurs, d’ailleurs. Ceci me fit bien sourire, jusqu’à ce qu’elle me retourne la question. Le vert. Comme l’herbe des prairies; comme les feuilles vigoureuses qui couvrent les arbres l’été; tout simplement ses yeux d’un puissant vert.
C’est ainsi, moi couché dans l’herbe, lui chansonnant quelques notes, qu’elle continua ses traits sur la toile. Tout semble parfait. Pourquoi j’aurais à me douter? Elle est si gentille, si douce, si attentionnée en tout ses simples gestes. Elle m’est presque une illusion. Cette journée me parait comme une utopie, presque. Deux descendants de l’humanité, égale à égal, profitant d’un monde sain. Je ne rêve à rien de mieux. Essayer de vouloir d’avantage en viendrait à être gourmand envers un monde qui nous offre déjà tout ce que l’on peut espérer : l’amour, la tendresse, la passion.
La journée atteignant bientôt le crépuscule, elle m’avoua qu’il commençait à se faire bien tard. Ça me fit sourire. Alors qu’elle remballa son équipement, je pu voir que sa peinture avait grandement changé : il y eut au centre une rose, dont un individu semblait s’entretenir avec elle tout prêt. Je ne connais pas énormément Ophélie. Presque pas, en fait. Pourtant, pourtant je ne me suis jamais senti aussi bien. J’embrasse sa douce main, et je zinzinule, heureux, de ma journée. Mon cœur bat. J’accours alors à la cité, comme si je fuyais une scène de crime. N’est-ce pas un crime au final? Le plus beau, celui d’aimer? Ainsi je cours vers cet endroit que je nomme, du moins encore pour aujourd’hui, mon domicile. Je me souvins alors qu’il ne faudrait pas que je manque de méditer sur la question, la plus grande question que ma journée su m’offrir : dois-je la cueillir?