Dans un café quelque peu rustique, donnant sur la place publique où fourmille le commun des mortels, sirotant un expresso un peu trop âcre, je philosophe sur l’assertion de Fukuyama, comme quoi l’universalisation de la démocratie libérale occidentale serait la fin de l’humanité. J’ai l’habitude de musarder le cœur léger à ce café, mais pas aujourd’hui.
D’un air taciturne, en pleine déréliction, je saisis donc un crayon d’une main désolée, laissant couler les encres d’une utopie. Mes mots véhiculent les idées, et non le contraire. Je conçois le corps de l’utopie par son système nerveux, ses artères jusqu’à son cœur : la forêt des souvenirs.
D’abord, je la délimite dans l’infini, outrepassant les frontières empiriques que l’humain s’évertue à esquisser.
Son système nerveux se traduit dans une social-méritocratie. Le pouvoir centralisé, le cerveau, serait puiser dans l’intérêt du peuple qui serait conjoint à la décision d’une élite méritante. Un retour de l’homme de lettre comme homme de pouvoir, par exemple, envisagerait un futur prometteur. Les individus attitrés à un poste politique proviendront d’un équilibre entre l’émanation de la volonté publique et de celle des Academos, les membres déjà en place de l’Académie (les érudits, les intellectuels, les dévoués, les politisés). Il s’agirait de combattre la démocratisation du savoir, qui nivelle par le bas et qui permet à des prétendants politiques démagogues, machiavélistes et potentiellement ganaches d’être. Cet équilibre donnerait lieu à un jugement du bien plus juste que s’il était donné à « n’importe qui ». Cette méthode sera également soutenue par une implication qui originerait d’un devoir sociétal, un obligo, et non d’une poussée prosaïquement volontaire. L’Académie assurerait un ordre constitutionnel enraciné dans trois concepts propres à l’État: la générosité (il s’agit de « bien-vivre » au-delà de « bien-être »), l’universel (dans un impératif du collectif ) et l’équité (allant au-delà de l’égalité face à l’injustice inéluctable). Les Academos, les méritants, assureront également un adossement politique sur les trois piliers fondamentaux d’une société raisonnable: l’éducation gratuite, les soins de santé gratuits et une révolution environnementale.
Ses artères trouveraient une syntonie entre un modèle d’interculturalité et une sagesse préméditée des agents qui la concrétisent et la pérennisent. Cette sagesse reposerait sur l’acceptation, la concession de l’absurdité de la vie. Un bonheur individuel, subséquemment collectif, serait possible grâce aux mœurs ascétiques face à la mort et à une conscientia inhérente de la population. Le gouvernement investirait justement dans la nature de cette pratique métaphysique, de cette méditation.
« Le tourment des hommes ne vient pas des choses, mais des idées qu’ils se font des choses.» Épictète
Le cœur de cette utopie réside dans La forêt des souvenirs. Imperméables à l’oïdium du temps, aux champignons de l’incompréhension et aux cochenilles de l’indifférence, les feuilles de cette forêt fleuriraient sur le tronc du savoir que l’Histoire aurait légué.
Merci infiniment
À vendredi j’espère!
Ce texte est magnifique, comme tous les autres. À travers ces mots, on peut sentir ton imagination débordante, mais aussi le dur travail qui y a été mis. Bravo!