Herr Tabllionem,
L’étrangeté est un concept fascinant à plus d’un égard. Je suis né ailleurs, là où se trouvait autrefois le Brandebourg, dans un petit village avec rien d’autre que quelques habitants et un arbre. Par chez nous les gens souffrent encore beaucoup des erreurs de nos grands-parents et de celles de leur grands-parents avant-eux. J’ai grandi dans ce même village, comme mes parents avant moi, pourtant nous avons toujours été les étrangers. Vous voyez, Herr Tabllionem, mes gens se souviennent des fois où ils ont dû fuir et de celles où ils ont été chassés leurs propres amis et voisins. Nous étions l’autre, ceux du dehors, ceux qui parlent une langue étrange, qui apportent leurs propres coutumes, qui refusent de se joindre à la norme. Je pense que c’est parce que j’étais déjà étranger que je n’ai pas hésité à quitter mon village, notre Vaterbaum et ma famille pour venir ici. Je suppose que je serais toujours l’étrange, celui du dehors, mais il y a quelque chose de fondamentalement différent dans la manière dont vous approchez tous la chose.
Peut-être qu’ici on se voile un peu la face, on s’isole, on ignore ce qui se passe hors de nos murs, mais pourtant on accepte. Vaterbaum ne s’est pas refermé au monde en érigeant ses barrières, il s’y est plutôt ouvert. Vous nous dites, à nous, ceux du dehors, les étranges étrangers, qu’il suffit simplement de cesser de s’ébattre dans le torrent et de le laisser nous porter jusqu’ici. Ici, tous sont étranges et étrangers, tous apportent quelque chose de différent, de nouveau à tester dans cette sorte de laboratoire à ciel ouvert qu’est la ville. On construit et on déconstruit, encore et toujours, éternellement en train de tenter de trouver la manière de s’approcher le plus possible de cette nature-mère que les néo-telluriens idolâtrent.
D’un certain côté, Vaterbaum est empli d’un optimisme presque sans limite quant aux futurs possibles grâce à ses progrès, mais d’un autre, il est plein d’un réalisme presque terrifiant quant au monde extérieur et à sa situation.
-Aloys
Intéressant le concept d’étranger pour caractériser Aloy. Je me demande ce qu’un étranger peut bien écrire dans sa thèse qui justement, porte sur sa société d’accueil, ses rites, ses croyances… à savoir Vaterbaum. Ais-je bien compris ce sur quoi Aloy faisait son mémoire? En tout cas il me semble que ça serais intéressant d’avoir le point de vue académique et détachée (comme si l’auteur était un visiteur en processus d’apprentissage des conventions sociales du milieu) de Vaterbaum. Qui sais, peut-être même qu’un peux de rigueur pourrait clarifier les origines et le fonctionnement encore floue de Vaterbaum et ses institutions?