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Mon corps est un bocal à lucioles.

Qui se fait fourrer d’un million de petits dards. 

Mon corps habite la haine des peuples, les révoltes aux ponts écrasés et les miettes qu’on tasse du bord. 

Mon corps est la raison du viol du monde, celui effectué à coups de brevets et de théories, d’un Soleil qui ne nous allumera pas si nous continuons à convoiter les Lumières ou à se recharger le coeur en bluetooth. 

Je ne touche plus. Je me pelte un lit pour m’extraire de vous. On laisse nos peaux s’effriter d’absence et de pudeur. Durcir à la clarté et perdre de ses couleurs. 

J’aime les présences sauvages. Celles qui encensent des pièces entières en ras de marée de danger et de sensualité. J’aime ceux/celles qui occupent l’espace, mais qui ne le colonisent pas. Ces doux.ces qui s’y étendent, qui sont de la matière première. Ceux/celles que l’on casserait en deux et qui fenderaient en un toc! bien sec, comme un légume. Des poètes-céleris qui ne se tiennent debout qu’à quelques filaments près, tout le reste n’est que croquant, eau et vie.

Et que trouveront-ils en me coupant en deux? Cette forme qui me hante? Celle qui se multiplie sur les coins de pages, qui écussonne chacune de mes enveloppes postées? Les deux ovales mous qui s’enlacent, l’air de se dire «tu tombes je tombe», qui n’existent que pas l’équilibre de l’autre. Une vieille jarre à biscuits? Une spirale tout au fond? Un trou noir? Est-ce possible d’avoir enseveli son cœur en soi-même, d’avoir caché le désir dans un effondrement d’étoiles? 

La désaliénation du corps est possible. Je le sais parce que quand je te regarde, je me dis que ton corps te ressemble.  Que tu vis tellement bien dedans et que lui est tellement bien par toi. Je le remercie parce que par lui, je peux te plier, te caresser, te prendre la main et te chatouiller. Tes yeux me flashent l’actualité en temps réel de ce qui se produit chez toi, tes pieds sont allés partout, tes narines t’ont aidées à saisir instantanément l’humeur d’une chambre. Ta tête est remplie, fertile, lourde et secrète. Qu’est-ce que c’est beau d’avoir un endroit à soi, en soi. 

Mais ton corps est pratique, exploitable. Mes entrailles habitent, protègent la consolidation d’un.e futur.e employé.e et consommateur.trice. Tes gestes sont la force de travail, essuyages de marmaille et énergie à rentabiliser. Ton corps est tellement utile que l’on te fait croire le contraire juste pour l’entraîner à donner la patte. On t’insuffle des complexes pour que tu n’aies jamais le courage de regarder ailleurs. En dehors, du moins. 

Il est peut-être temps d’ouvrir le bocal. Pour voir. De se laisser piquer et, boursouflés et complètement aveugles, de regarder le ciel noir de nos paupières sur un terrain vague et de redessiner une carte des étoiles finalement alignée avec nos pôles intérieurs.

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