Ce soir-là, le fond de l’air frais et humide du printemps tardif était parfait pour revigorer les esprits, même celui du plus obtus des hommes. Le ciel, dégagé et sans Lune, qui s’offrait aux yeux de Syphogrante, donnait à cette marche tardive l’impression d’un voyage. L’exercice de la marche permettait, au grand plaisir de Syphogrante, d’expérimenter entièrement l’idée « d’espace-temps », sans raccourcis ou dictame, afin de vivre pleinement le territoire ainsi que la coupole céleste.
Lors de ses nombreuses marches, la méditation était souvent de mise pour Syphogrante. La méditation, seule, accompagnée, statique ou en action, était quelque chose que ses parents lui avaient appris à faire lorsqu’il était tout petit. Son père lui avait dit un jour une phrase marquante, sans qu’à ce moment il ne la comprenne vraiment :
«La méditation permet d’habiter son corps. Lorsque tu médites, tu sais que tu expérimentes la méditation. Donc, lorsque tu médites, tu es. ».
Maintenant Syphogrante comprenait.
Bien que l’exercice de l’esprit fût une des choses les plus attirante aux yeux de Syphogrante, et bien qu’il participât ardemment aux assemblées de weltanschauung, ce dernier se faisait un devoir d’exercer son esprit, à défaut de ses ancêtres, à travers son être, ou encore, en termes de relativité générale, à travers sa singularité. La méditation lui avait appris bien sûr le calme et la réflexion, mais avant tout cette dernière lui avait appris à être, c’est-à-dire à penser non pas comme un réalisateur de la pensée pour la pensée, mais en tant que réalisateur du monde pour la communauté humaine.
Lors de cette marche, Syphogrante se représenta alors une image de sa conception, sous l’influence du spectacle nocturne qui s’offrait à ses yeux : les corps célestes. Ces derniers sont. Ils existent en tant qu’objets quelconques faisant partie de l’univers. Ces objets célestes peuvent être décrits comme simples, composés ou encore étendus. Une chose est sûre, ils sont tous différents. Tous ces objets suivent une trajectoire dans l’univers, et, parfois, ils se rencontrent. Lorsqu’ils se rencontrent, certaines trajectoires changent à peine et continuent leur chemin et d’autres s’attirent. À travers cette attirance, ils forment des communautés articulées en cercles concentriques et symbiotiques qui peuvent être très larges ou très petits. Une multitude de ces groupes coexistent dans l’espace sans entrer en collision, mais sans être imperméable aux changements pour autant. Dans cette vaste présence de systèmes, ces cercles sont tous autour d’un même centre, un soleil, ou encore une idée.